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Pourquoi la réussite éducative ou la performance du système d'éducation ne doit pas se mesurer en diplômes

Plus tôt cette semaine, j'ai réagi à une série de nouvelles en marge du Forum des idées organisé par les libéraux et d'observations personnelles en publiant un texte dans lequel je questionnais la notion de réussite. C'est une question importante... Comment doit-on mesurer la réussite ou, plus largement, la performance d'un système éducatif?

Je me réserve le droit de changer d'opinion dans le futur advenant que je sois confronté à des évidences et des données probantes, mais pour le moment, je crois qu'il est dangereux d'évaluer et de décrire la réussite éducative ou la performance de notre système éducatif en terme de diplômes ou de pourcentage de diplomation. Nous devrions l'interdire à nos dirigeants et à nos politiciens et les rabrouer chaque fois qu'ils essaient de nous en passer une petite vite... Voici pourquoi.

Utiliser le taux de diplomation comme critère ou indicateur de la réussite semble inévitablement nous attirer vers le bas. Lorsqu'on s'engage sur cette voie, il s'ensuit inévitablement un abaissement des critères, un nivèlement vers le bas.

C'est assez facile à expliquer...

C'est tout simplement dans la nature même de l'homme... Nos dirigeants sont élus et ils sont humains. Lorsqu'ils ne sont pas élus, ils sont tout de même humains. Comme tout le monde, ils aspirent au succès, à la santé, à une vie confortable, au prestige, au pouvoir ou à tout le moins à un certain niveau de contrôle sur leur vie, etc. Pour un politicien ou un administrateur, cela équivaut souvent à vouloir être réélu ou à vouloir bien paraitre auprès de ses supérieurs. Ils doivent alors faire plaisir, laisser transparaitre qu'ils ont été efficaces, qu'ils ont pris de bonnes décisions, etc. Il devient alors invitant d'avoir recours à des raccourcis, de diminuer les critères (même très légèrement) ou juste de choisir les indices et les statistiques qui nous mettent le plus en valeur pour les présenter au public. Personne n'aime perdre le contrôle, ne pas être apprécié, mettre son emploi en danger, diminuer la sécurité financière de sa famille, etc. Il n'y a rien à y faire, c'est humain... Ainsi comment se surprendre de la situation décriée par Mario qui constate malheureusement que les taux de diplomation augmentent alors que la proportion d’analphabètes fonctionnels ne diminue pas...

Pour être honnête, il faudrait probablement élargir cette réflexion au-delà des politiciens et des dirigeants... Après tout, nos enseignants et nos directeurs d'école sont eux aussi humains... Mais considérant les ressources qu'on leur accorde actuellement et les conditions dans lesquelles on les place, ils ne sont vraiment pas ceux qui détiennent actuellement les clés pour améliorer la situation.

Le facteur "humain qui veut plaire ou être réélu" n'explique cependant pas tout...

J'ose croire que nos politiciens et nos dirigeants essaient tout de même de bien faire... Malheureusement pour nous tous, ils ne sont pas nécessairement très compétents en éducation... C'est vrai qu'ils ont généralement tous fréquenté plusieurs écoles et élevé des enfants, mais ça ne suffit pas pour faire d'eux des professionnels de l'éducation. Après tout, j'ai moi-même déjà été malade et j'ai fait des études de niveau universitaire en sciences de l'activité physique. J'ai aussi soigné les bobos et les maladies de mes deux enfants en plus d'avoir été témoin du cancer qui a emporté mon père alors que j'étais encore adolescent... Tout ça ne fait pas de moi un médecin. Accepteriez-vous que je sois votre médecin? Non! Et bien c'est à peu près la même chose pour l’éducation. Quelqu'un qui vient du monde de l'éducation sait et comprend qu'il est impossible de ramener quelque chose d'aussi complexe à un seul facteur... Il y a bien trop de déterminants. Chaque apprenant est d'abord différent et, actuellement, les apprenants sont nombreux dans nos classes et ils sont très hétérogènes (et là je pèse mes mots...) (beaucoup...) (un de ses quatre, il faudrait que je réfléchisse et partage au sujet de l'intégration...). Nos enseignants sont aussi tous très différents. Comme les apprenants, ils varient à l'infini en termes de style de communicateurs, champs d'intérêts, passions, compétences TIC, etc. Toutes nos écoles n'évoluent pas, non plus, dans la même réalité. Les parents des élèves sont aussi tous très différents. D'une journée, à l'autre, il se produit ou ne se produit pas des évènements marquants ou dérangeants. Et là, je résume et je simplifie beaucoup la situation. La quantité de facteurs qui rendent chaque école, chaque situation d’apprentissage, chaque cheminement scolaire différents est impressionnante! La quantité de facteurs que l'on pourrait éventuellement lier à l’apprentissage et, conséquemment, à la réussite éducative, est tout simplement gigantesque et difficile à appréhender. Comment alors accepter de mesurer l'efficacité de notre système à l'aide d'un seul et unique critère? Il faut tout ignorer à propos de cette complexité, ne pas la comprendre ou refuser volontairement de la prendre en considération.

Sachez bien que je comprends tout à fait que d'avoir un critère mesurable et quantifiable est utile. Ça aide à saisir la réalité. C'est facile à décrire et à mettre en lien. J'enseigne de temps à autre le cours de méthode de recherche quantitative à la maitrise en éducation ici à l'UQAC et j'ai un penchant naturel pour les approches quantitatives. Mais pour être acceptable, à tout le moins sur le plan de la recherche, le critère employé devrait répondre à certaines conditions. Minimalement, ce critère devrait d'abord être valide, c'est-à-dire qu'il mesure effectivement ce qu'il est supposé... Je doute fort de la validité du taux de diplomation pour mesurer l'efficacité du système éducatif considérant la situation décriée par Mario et décrite plus haut. Ce n'est pas tout, un critère doit ensuite être fidèle. La fidélité, c'est la capacité du critère à décrire la réussite éducative chaque fois de la même façon, année après année, étudiant après étudiant. Il se trouve que le taux de diplomation ne peut être considéré fidèle puisque plusieurs diplômes qui ne sont pas équivalents sont considérés par nos politiciens et nos dirigeants comme un diplôme valide. Ils font probablement ça pour essayer de saisir la variété des cheminements possibles, la diversité des étudiants, etc. Il n'en demeure pas moins que c'est un très mauvais critère pour juger de la réussite.

Que devrait minimalement savoir un Québécois? Que devrait-il minimalement être en mesure de faire? C'est dans cette direction qu'il faut chercher. Et, non, les diplômes ne garantissent actuellement pas que les jeunes Québécois ont les compétences et les savoirs minimaux...

pgiroux

Auteur: pgiroux

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Commentaires (1)

Vicky Vicky ·  05 décembre 2015, 11:16:08 AM

Il faut aussi ajouter que la plupart des formations offertes aux étudiants des cycles supérieurs ne sont malheureusement pas complètes ni majoritairement pertinentes. Je m’explique : je suis en mesure de parler en connaissance de cause pour ce qui est du Baccalauréat en enseignement au secondaire, et même d’appuyer les différences de formation entre les Universités de Montréal (UdeM et UQAM) dans leurs qualités d’enseignement au niveau de la pédagogie. Cependant, je cherche surtout à apporter un point supplémentaire quant à la non-représentativité du taux de diplomation comme indicateur de réussite. En effet, en quatre années d’étude, aucun étudiant en enseignement n’est prêt à dire qu’il se sent formé pour enseigner. Le problème d’obtention du diplôme est tout à fait hors-sujet puisque plus de la moitié des cours suivis par les enseignants ne concernent pas les notions qu’ils vont enseigner, et rien ne nous informe sur les ficelles du métier, sur les agissements à avoir avec certains types d’élèves ou encore sur la simple méthode pour travailler efficacement à former un cours. Expliquez comme cela, on pourrait croire que l’on n’apprend rien, mais ce n’est pas le cas; par-contre, comme beaucoup d’autres programmes, le mien devrait subir des changements majeurs. L’apprentissage dit «sur le tas» que l’on subit en stage est réellement le plus pertinent, puisqu’on se voit supervisé par un enseignant directement, et les apprentissages des notions plus poussées nous permettent de fournir un enseignement de qualité. Malgré cela, il est impossible de se fier à l’obtention des diplômes, dans quelques domaines que ce soit, pour juger du taux de réussite ou de l’intelligence des étudiants, d’où mon appréciation du commentaire : «non, les diplômes ne garantissent actuellement pas que les jeunes Québécois ont les compétences et les savoirs minimaux». Au niveau des savoirs minimaux, on critique avec raison le diplôme obtenu au secondaire, puisque les critères ont tellement diminués qu’il s’agit uniquement d’un permis de travail.

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