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La collaboration entre apprenants dans le cadre d’un projet d’intégration des tablettes numériques au secondaire: une question de perception?

Le contexte du second projet de recherche par rapport auquel j'ai présenté la semaine dernière au 2e Colloque International sur les TIC en éducation du CRIFPE est lui aussi bien connu. (J'ai écrit un billet à premier du premier la semaine dernière. Il est ici!) Difficile d'être plus clair et concis que nous l'avons déjà été dans la revue STICEF:

Les technologies occupent une place importante dans la société du savoir. Au 21e siècle, l'ensemble des compétences associées aux technologies de l’information et de la communication (TIC) sont jugées importantes pour l'intégration des individus à la société et pour la compétitivité des nations (California Emerging Technology Fund, 2008), (Anderson, 2010). Déjà, les enfants et les adolescents intègrent ces outils technologiques à leur vie quotidienne (CEFRIO, 2009; PEW Internet & American Life Project, 2010a et 2010b; Media-Awareness Network, 2001 et 2005; Rideout et al., 2010; Thirouin et Khattou, 2010). Plusieurs curriculums des écoles primaires et secondaires, dont ceux du Québec, de la Suisse et de la France reconnaissent l’importance de telles compétences et attribuent une part de la responsabilité de leur développement à l'école.

Au même moment, le paysage technologique des pays industrialisés évolue très rapidement. La miniaturisation et le développement accélérés des technologies permettent une véritable révolution en terme de portabilité, de mobilité et de collaboration. L'un des fers de lance actuel des technologies mobiles est la tablette numérique. Les tablettes numériques, avec l'iPad en tête, ont rapidement conquis les utilisateurs et sont pratiquement devenues incontournables. Déjà, on l'utilise quotidiennement pour le loisir comme pour le travail, tant à la maison qu'à l'usine. Situé quelque part entre l'ordinateur portable et le téléphone intelligent, ce nouvel outil semble pertinent dans plusieurs contextes éducatifs. Il n'est donc pas surprenant que plusieurs écoles tentent d'intégrer la tablette numérique à la formation des élèves.

Moi et mes collègues accompagnons une école secondaire qui expérimente au quotidien avec les tablettes numériques.

Il est ressorti des données de la première année que les jeunes ont rapidement développé de nouvelles manières de faire. Les contraintes de l'école orientent ou limitent un peu les jeunes, mais certaines tendances sont fortes... C'est le cas de la collaboration. D'une certaine manière, les pratiques collaboratives des apprenants ont semblé être une source de tensions/conflits, des tensions/conflits internes d'abord pour les enseignants et les parents et externes aussi entre les apprenants et les deux groupes d'adultes précédemment nommés. Il n’est pas ici question de conflits ouverts, de grosses chicanes, de débats à n'en plus finir... Par tensions/conflits, je parle ici d'inconfort, d'incompréhension mutuelle, de sources de stress et de petites confrontations fréquentes...

Notre communication voulait:

  • Dégager les perceptions par rapport à la collaboration
    • Parents
    • Enseignants
    • Élèves
  • Déterminer la nature des tensions entre élèves et enseignants et élèves et parents
  • Préciser les pratiques collaboratives et espaces de collaboration exploités avec la tablette
    • Motivations à collaborer

Nous avons décidé de nous attarder un peu plus à la collaboration parce que l'activité sociale est au cœur de l'acquisition des savoirs et du développement des compétences. De plus, l'intégration des TIC peut contribuer à l'aspect social de l'apprentissage.

Voici, dans les grandes lignes, les idées que nous avons présentées:

  • Les parents sont déchirés. Ils réalisent que la tablette est avantageuse, entre autres parce qu'elle facilite la communication et le travail d'équipe. De l'autre côté, ça les dérange que les jeunes passent autant de temps à clavarder ou à se parler via Skype ou FaceTiome alors qu'ils sont censés faire leurs devoirs ou durant les périodes où ils disent étudier. Ils réalisent que les jeunes peuvent utiliser la tablette pour faire leurs devoirs et leurs leçons, mais pensent que les jeunes se laissent facilement distraire. Ils se sentent un peu coincés, car ils peuvent difficilement enlever la tablette à leurs enfants qui en a besoin pour ses devoirs...
  • Le conflit ou la tension perçue au coeur du corps enseignant est un peu similaire. D'un côté les enseignants perçoivent un grand potentiel à l'outil, dont les interactions. De l'autre, c'est beaucoup trop interactif, les élèves interagissent à tout moment et ça les distrait. Plusieurs semblent ambigus.
  • Les jeunes, eux, ne semblent pas vivre de conflit ni de tensions. Ils aiment la tablette et, s'ils abusent (ce qu'ils ne nient pas!), ils ne demandent pas mieux que d'apprendre à mieux l'utiliser. Ils sont cependant conscients que tous les adultes n'ont pas la même maîtrise de l'outil...

Nous avons aussi présenté quelques informations préliminaires à propos de ce que les jeunes nous ont dit par rapport à leurs pratiques collaboratives. Ces informations proviennent d'un questionnaire administré tout récemment. Ce ne sont que des données préliminaires, mais certains éléments nous apparaissaient intéressants pour comprendre la situation:

  • Il est beaucoup plus facile de communiquer avec leurs pairs et les enseignants maintenant qu'ils ont une tablette. (diapo 16)
  • C'est surtout à la maison que la tablette a un impact et qu'ils collaborent plus qu'avant... L'impact à l'école est, selon eux, moins grand même s'il est visible. Je ne peux m'empêcher de faire une hypothèse à ce sujet... C'est probablement simplement parce qu'ils ne sont pas en contrôle à l'école et que la méthode et la gestion de classe n'y sont pas propices que le changement ne s'est pas produit dans la même mesure... Qu'auraient-ils changé s'ils avaient eu l'opportunité de le faire? (diapo 17)
  • Ils font plusieurs tâches scolaires "en collaboration" à la maison. Ils cherchent sur Internet, ils font leurs travaux d'équipe, ils préparent des examens, ils préparent des exposés oraux, ils s'entraident, ils améliorent leurs notes de cours... Au total, l'accumulation fait qu'ils collaborent probablement presque tous les jours ou très régulièrement pour une majorité de jeunes participant à ce projet. (diapo 18)
  • Ils font plus ou moins les mêmes tâches collaboratives à l'école, mais moins souvent... (diapo 19)
  • Leurs sources de motivation à collaborer sont variées (diapo 21).

En conclusion, nous croyons que la nature des élèves les pousse à interagir, à s'associer et à se regrouper. Les adultes qui accompagnent les jeunes dans leur développement ont probablement besoin de se mobiliser autour des pratiques collaboratives qui ont émergé naturellement. Ça nécessitera probablement des changements importants... Mais j'ai déjà l'impression que ces changements ont commencé! Ce n'est qu'une question de temps! (Dans l'article cité plus haut qui est disponible dans le journal STICEF, les enseignants réclament effectivement plus de temps!!!) Moi et mes collègues comptons, entre autres, exploiter la théorie entourant les communautés d'apprentissage pour pousser plus loin notre analyse de la situation et fournir des pistes à l'école pour les aider à se mobiliser et à exploiter le potentiel collaboratif de la tablette.

Les prochains mois s’annoncent passionnants!

pgiroux

Auteur: pgiroux

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