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Le Salon des logiciels libres de Québec 2010

Ma participation avait d'abord comme objectif de rencontrer d'autres utilisateurs de logiciels libres. Je n'ai pas été déçu. J'ai rencontré des utilisateurs, des développeurs, des gens de l'industrie et des curieux qui se demandaient ce dont il s'agissait. Il devait bien y avoir 400 ou 500 personnes. Ça m'a réconforté de savoir que d'autres se sentent aussi seul dans leur organisation. J'ai apprécié entendre parler des stratégies mises en place par certains individus ou par des organisations afin de promouvoir les logiciels libres. Je suis convaincu que c'est la bonne voie à prendre pour mon université, surtout pour nous en éducation, mais je ne sais souvent plus comment m'y prendre pour faire avancer le dossier...

Le #FAIL du Salon

Comment peut-on imaginer organiser un évènement à propos des logiciels libres sans fournir un accès Wifi? Je n'y comprends rien! Pourtant, j'ai déjà participé à des colloques qui avaient lieu à l'université Laval et on nous avait fourni un accès temporaire fort efficace. Heureusement, j'ai trouvé une autre solution... Merci à la gentille demoiselle qui m'a dépanné et qui se reconnaitra.

Le moment fort

Pour moi le moment fort du Salon est évidemment la présentation de Richard Stallman. Qui est Richard Stallman? Selon Wikipédia:

Richard Stallman par Chrys Stuttgart CC-by-2.0 (as of 2006-12-15)

Richard Matthew Stallman (né à Manhattan, le 16 mars 1953), connu aussi sous les initiales RMS, est un programmeur et militant du logiciel libre. Il est à l’origine du projet GNU et de la licence publique générale GNU connue aussi sous l’acronyme GPL, qu’il a rédigée avec l’avocat Eben Moglen. Il a popularisé le terme anglais copyleft 1. Programmeur renommé de la communauté informatique américaine et internationale, il a développé de nombreux logiciels dont les plus connus des développeurs sont l’éditeur de texte GNU Emacs, le compilateur C de GNU, le débogueur GNU mais aussi, en collaboration avec Roland McGrath, le moteur de production GNU Make.

Depuis le milieu des années 1990, il consacre la majeure partie de son temps à la promotion du logiciel libre auprès de divers publics un peu partout dans le monde. Depuis quelques années, il fait campagne contre les brevets logiciels et la gestion des droits numériques (DRM)2. Le temps qu’il alloue encore à la programmation est dédié à GNU Emacs, bien qu’il ne soit plus mainteneur principal depuis février 2008. Il gagne une partie de sa vie avec les cachets de conférencier qu’on lui donne à l’occasion ou des prix qu’on lui remet.

Photo de Richard Stallman par Chrys Stuttgart CC-by-2.0 (as of 2006-12-15)

J'avais déjà lu certaines pages Web à son sujet et à propos des ses idées. J'avais cru comprendre qu'il était brillant et coloré et qu'il défendait ses idées avec vigueur... J'ai eu la chance d'entendre sa conférence et de le rencontrer lors d'un petit souper organisé par une collègue de Laval (Mme Renée Fountain) et je n'ai pas été déçu! C'est vraiment un personnage brillant, coloré et très énergique. Il défend ses idées avec beaucoup de vigueur et refuse tout compromis pour des raisons éthiques et philosophiques. En fait, par moment, j'ai eu l'impression que ses propos et agissements nuisaient plus qu'ils aidaient sa cause... Peut-on lui reprocher d'être intègre?

Connaissant déjà les logiciels libres et le mouvement "opensource", je n'ai rien appris de vraiment nouveau. Plusieurs passages m'ont tout de même intéressé.

Stallman utilise d'abord trois mots pour résumer et expliquer les logiciels libres: liberté, égalité et fraternité. Il a débuté avec ces mots et les a martelés toute la présentation.

Il a ensuite expliqué que selon lui, il est plus éthique de ne rien faire que de créer un logiciel privateur, car ce dernier prive les utilisateurs de plusieurs de leurs libertés et que ces derniers ne font souvent pas le choix d'abandonner ces libertés sciemment. Selon lui, en ne faisant rien, au moins, on ne fait pas de mal! Il est souvent revenu sur l'idée que certains logiciels privent les utilisateurs de quatre grandes libertés (source: article sur les logiciels libres de Wikipedia):

  • Liberté 0 : La liberté d'exécuter le programme — pour tous les usages ;
  • Liberté 1 : La liberté d'étudier le fonctionnement du programme — ce qui suppose l'accès au code source ;
  • Liberté 2 : La liberté de redistribuer des copies — ce qui comprend la liberté de donner ou de vendre des copies ;
  • Liberté 3 : La liberté d'améliorer le programme et de publier ses améliorations — ce qui suppose, là encore, l'accès au code source.

Ces libertés lui sont apparemment très chères et il a dénoncé à plusieurs reprises et de plusieurs façons l'absence de débat à ce sujet dans nos sociétés. Il explique que les utilisateurs actuels ont été formés par des utilisateurs de logiciels privateurs et ne se questionnent pas quant à la nécessité du débat. J'ajoute que je constate fréquemment qu'ils ne réalisent même pas qu'il y a matière à débat tellement ils sont ignorants lorsqu'il s'agit des logiciels libres. Concernant l'absence de débat, Stallman a souligné à quelques reprises qu'il est très important que nos sociétés se questionnent et que, selon lui (et je suis d'accord!), ce questionnement soit lié avec la souveraineté informatique des états et des institutions publiques, ainsi qu'à la pérennité des informations.

J'ai été surpris que Stallman soit aussi politisé. Il s'est attaqué à Windows et a bénéficié de l'appui d'une salle convaincue à ce sujet. Il a ensuite attaqué Apple. La réception à ce sujet a cependant été moins chaude... J'ai cru remarquer que les aficionados de la Pomme n'ont pas aimé... À quoi s'attendaient-ils? Qu'on le veuille ou non, Apple produit des logiciels propriétaires et privateurs. Il a aussi écorché Coke pour sa façon de négocier avec les syndicats dans certains pays moins développés et quelques politiciens en vue pour leurs nombreuses politiques dont Bush et Harper. Concernant la dernière catégorie (les politiciens), disons que Stallman ne regretterait pas trop de ne pas savoir nager s'il les rencontrait alors qu'ils se noient! C'était expliqué sur un ton blagueur, mais ça exprimait assez bien son dégout.

Stallman semble trouver très importante la différence entre le mouvement "opensource" et celui du logiciel libre. Il s'est attaqué à plusieurs reprises à Linus Thorvalds et nous a même donné un lien Internet vers une page expliquant pourquoi les distributions de Linux les plus populaires ne sont pas libres selon lui. En gros, ces distributions permettent l'usage de logiciels privateurs (totalement ou partiellement) ou contiennent carrément du code source privateur. Il est assez drastique dans ses propos et peu enclin à la négociation. Je doute qu'il aide vraiment sa cause...

J'ai été particulièrement surpris et impressionné par la vision de l'école de Stallman et l'importance qu'il lui accorde. Le MELS devrait s'en inspirer! Il a consacré une bonne dizaine de minutes à expliquer pourquoi les logiciels libres devraient particulièrement être utilisés en éducation.

  1. La première raison est l'économie. Pour lui, c'est cependant une raison secondaire et il a d'ailleurs rapidement passé à autre chose.
  2. La seconde raison est pour éviter de créer la dépendance en formant des utilisateurs de logiciels privateurs. C'est un cercle vicieux: on a formé les gens aux logiciels privateurs et ils ne connaissent maintenant que cela. Logiquement, ils forment eux aussi les jeunes et les moins jeunes aux logiciels privateurs. Nous sommes donc devenus dépendants de grandes compagnies qui nous exploitent. Je crois qu'il a tout à fait raison! Ici à l'UQAC, une personne responsable des services informatiques m'a déjà expliqué qu'il serait très difficile de passer aux logiciels libres, car on arrive plus difficilement à trouver des techniciens et des analystes compétents. Il semble que la majorité des cégeps et universités forment les étudiants dans un environnement Windows...
  3. La troisième raison citée par Stallamn est plus subtile et, selon moi, plus révélatrice de sa vision de l'éducation. Tous savent que les logiciels privateurs ne laissent pas les utilisateurs consulter le code source. Stallman défend que ce soit mauvais pour l'éducation, puisque l'école devrait encourager les jeunes à chercher des réponses à leurs questions. Si un jeune démontre de la curiosité quant au fonctionnement d'un logiciel, il devrait être en mesure de fouiller et de chercher une réponse. L'école devrait même disposer des outils (code source, logiciels) pour l'encourager. Il ne faut pas brimer la curiosité et plutôt encourager chaque jeune à se développer et à partager ses connaissances... Ce jeune deviendra peut-être un développeur brillant ou aura peut-être une petite idée pour améliorer le logiciel.
  4. La dernière raison proposée par Stallman est aussi assez révélatrice du rôle qu'il attribue à l'éducation et de ses valeurs. Il explique que l'école devrait donner l'exemple et se donner les outils qui permettront d'éduquer les jeunes apprenants à la morale. Ainsi, les logiciels utilisés à l'école devraient encourager l'entraide, le partage, la bonne volonté... À ce stade, je me suis questionné. Quel exemple donne-t-on aux jeunes lorsque l'on utilise des logiciels privateurs?

Table ronde sur le logiciel libre en éducation

Première constatation, aucun des panellistes n'était un éducateur. Le plus proche de ce statut était un professeur de la faculté d'administration. J'ai attribué plus haut mon #FAIL du Salon, mais cette situation étrange arrive en deuxième place.

La table ronde a tout de même été intéressante, même si à un moment on a commencé à parler des tableaux blancs... Une minute de plus et je quittais! (Ce sujet et le discours rarement pédagogique qui l'accompagne m'irritent de plus en plus...)

On a témoigné du manque de formation des techniciens face aux logiciels libres et expliqué que les logiciels libres permettaient d'uniformiser les postes informatiques d'une commission scolaire. On a aussi repris les idées de Stallman en expliquant qu'il ne faut pas créer de dépendances chez les jeunes. Un intervenant a clairement indiqué qu'il se sentait comme un mouton noir dans une bergerie et quelques intervenants ont dénoncé le manque d'engagement du MELS et de la GRICS qui se disent neutres face à la question des logiciels libres, mais utilisent uniquement des formats propriétaires (.doc et, maintenant, .docx) pour communiquer avec les écoles et obligent ces dernières à faire la même chose... Pas si neutre la neutralité! Personnellement, je crois que les formats libres devraient être imposés par les gouvernements à tous leurs fournisseurs pour assurer la pérennité des données! J'ai aussi été un peu déprimé que l'on cite le MELS comme l'un des freins à l'intégration des logiciels libres...

L'aspect économique a été traité de plusieurs façons et à quelques reprises. L'un des intervenants a jugé bon de préciser que peu importe la plateforme (MS, Apple ou logiciels libres), il y a des couts associés à la formation et au soutien. Il a causé un peu de déplaisir chez les aficionados de la pomme en précisant qu'il est faux de prétendre que la plateforme Apple nécessite moins de soutien et de formation. Les autres spécialistes de la table n'ont pas contredis... ;-) On a aussi présenté le point de vue des apprenants en expliquant que les logiciels libres permettent l'égalité des chances et qu'ils font qu'aucun étudiant n'est brimé pour des raisons financières. Juste avant, on avait précisé que toutes les technologies véhiculent des valeurs. Cela soulève une question importante... Quelles valeurs veut-on mousser ds nos écoles? Gratuité? Égalité? Accessibilité?

L'intervention la plus signifiante de la table ronde appartient selon moi à M. Pascot, professeur à l'université Laval, qui a questionné et argumenté en faveur de la formation aux logiciels libres à l'université. Il a d'ailleurs cité le cas des futurs enseignants.

Conclusion

Étrangement, pour ma conclusion, je vais faire référence à l'allocution d'ouverture de M. Béraud, car c'est à ce moment qu'on a expliqué une chose importante selon moi, une chose dont la totalité du salon a fini de me convaincre.

Pour conclure, je voudrais évoquer ce qu'on appelle le gouvernement ouvert. Cette question sera traitée demain en profondeur au cours de plusieurs tables rondes. Elle est essentielle, et ne se résume pas à la mise à disposition par des entreprises privées, des données publiques. Cette question relève davantage, me semble-t-il, tout simplement, de l'appropriation collective de l'informatique libre.

Une connectivité Internet qui couvre l'ensemble du territoire associée à une politique ambitieuse d'utilisation de logiciels libres ouvrent la voie à la refondation du pacte social entre les citoyens et l'État.

J'invite chacun à réfléchir à ce nouveau type de lien social que les nouvelles générations inventent en collaborant ensemble sur Internet pour construire ces logiciels qui façonnent aujourd'hui notre vie. Un nouveau lien qui s'appuie sur les valeurs de liberté, de tolérance, de travail, de partage et de collaboration.

Mesdames, Messieurs, je forme le vœu que le Québec se souvienne.

Je forme le vœu que le Québec se souvienne que ce sont précisément sur ces valeurs que ce pays s'est construit à travers le temps.

Et, j'en ai l'intuition, c'est précisément parce que les valeurs de la société québécoise faites de liberté, d'ouverture à l'autre, de travail, de partage rencontrent celles du logiciel libre que nous sommes aujourd'hui si nombreux.

Ce grand projet collectif qui nous attend, c'est celui de la modernité et de l'espoir, c'est aussi celui du Québec tout entier porté par ses valeurs.

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pgiroux

Auteur: pgiroux

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Commentaires (6)

Patrick Plante Patrick Plante ·  08 décembre 2010, 1:26:57 PM

Merci beaucoup pour ta synthèse!

Pierre Lachance Pierre Lachance ·  09 décembre 2010, 7:45:57 AM

Bonjour Patrick.

Merci pour cette synthèse.

J'ai lu ce livre sur Stallman, ce qui m'a permis de ne pas être surpris par ses propos que tu rapportes: http://www.framabook.org/stallman.h...

Au plaisir.

Patrice Prud'homme Patrice Prud'homme ·  09 décembre 2010, 12:06:55 PM

Bonjour Patrick,

Excellente synthèse de la conférence de M. Stallman !

Je regrette que nous ne nous soyons pas croisés : j'aurai vraiment apprécié avoir l'occasion de pouvoir vous y rencontrer.

p.s. Concernant la table ronde en éducation, je précise avoir enseigné sept ans, autant au secteur des jeunes que celui des adultes ;-) J'ai été conseiller pédagogique et animateur au RÉCIT presqu'aussi longtemps :-)

pgiroux pgiroux ·  09 décembre 2010, 5:16:18 PM

Bonjour M. Prud'homme!

Désolé! J'étais passé à côté de cette information!

Tout de même, les propos rapportés traitaient malheureusement trop des volets logistiques et techniques. On n'est jamais vraiment entrer dans les apports potentiels à la pédagogie et au fonctionnement de l'équipe-école... La composition de la table n'a certainement pas aider.

Yannick Pavard Yannick Pavard ·  10 décembre 2010, 7:52:30 AM

Bonjour,

Très bon résumé ! Merci. J'en profite pour dire que je viens de mettre en ligne l'entrevue que j'ai réalisé avec Richard Stallman. Le tout est disponible à cette adresse : http://www.lavoixdulibre.info/entre...

Merci et bonne journée

pgiroux pgiroux ·  10 décembre 2010, 8:53:51 AM

Merci Yannick!

J'irai consulter cela aujourd'hui!

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