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Des manuels scolaires numériques à l'école... Oui, mais comment?

ebook reader rougeJ'ai eu une petite discussion sur Twitter ce matin à propos des iPad et des manuels scolaires numériques. Difficile d’entretenir une discussion vraiment détaillée et nuancée avec plusieurs personnes en limitant nos interventions à 140 caractères. Voici simplement mon opinion "actuelle"...

Je dis "actuelle" parce que c'est un sujet très récent et on a peu d'expériences sur lesquelles fonder nos opinions. Je sais aussi que plein de gens y ont probablement pensé plus que moi et pourraient me fournir des arguments ou me présenter des idées qui me feraient changer d'opinion.

Précisons d'abord que je suis contre les outils et logiciels propriétaires lorsque l'on peut trouver une solution alternative ouverte facilement. Les solutions ouvertes permettent de choisir ses partenaires favorisent, favorise la collaboration, sont plus facilement adaptables aux contextes très variés des écoles, assurent la pérennité des données numériques, etc.

Précisons ensuite que je n'ai pas apprécié le iPad (1 et 2) en tant qu'outil de travail. C'est un excellent produit pour consommer des médias, répondre à des courriels, chercher sur le Web... En ce sens, c'est un assez bon outil pour consulter des livres numériques. Par contre, quand vient le temps d'écrire, de faire des stats, de créer des schémas et des diagrammes, bref, quand vient le temps de travailler, j'aime mieux un ordinateur. Pour mes déplacements de courte durée, j'utilise donc mon téléphone Android sans problème. Pour les déplacements de plus longue durée, j'ai choisi une tablette tactile (Lenovo x200) que je possède depuis 3 ans et qui fonctionne sous Ubuntu Linux. Elle a l'avantage d'avoir un clavier et son OS (Ubuntu 11.10) est plus performant et flexible que celui du iPad. Je l'ai suffisamment aimé pour en acheter une nouvelle (probablement une tablette x220 avec le "multitouch") au printemps sur laquelle j'installerai Ubuntu 12.04. À l'école, je crois que les jeunes seraient mieux servis par des ordinateurs portables. Je ne veux cependant pas ouvrir totalement ce débat... Il y a beaucoup de variables à considérer.

Précisons aussi que je sais que les produits Apple sont intéressants. Je leur reconnais actuellement bien plus de qualité qu'au produit M$... (Pourquoi "actuellement"? Parce que les choses changent vite au pays des technos! Il y a 25 ans, j'adorais la "pomme", il y 12 ans, j'étais très bien servi par Windows 2000. Aujourd'hui, c'est Ubuntu. Demain?)

Ça fait cependant plusieurs fois que des gens autour de moi parlent (ou écrivent) qu'il faut des iPad pour profiter/créer/utiliser/introduire des manuels scolaires numériques à l'école! On fait donc un lien entre deux choses en supposant ou laissant entendre que l'un permettra ou est nécessaire à l'autre.

Or, c'est tout à fait faux. Minimalement, on peut trouver d'autres alternatives viables qui laisseraient aux jeunes et aux parents le choix de l'outil tout en permettant aux enseignants d'intégrer des manuels scolaires numériques. Bref, des solutions qui seraient viables et fonctionnelles, peu importe que le jeune utilise un iPad, une tablette Linux, un ordinateur portable ou un téléphone intelligent. Il suffirait simplement d'utiliser un format libre et ouvert.

ebook reader noirÀ mes yeux, la solution la plus simple est un wiki plus ou moins fermé dans lequel on réserverait le rôle d'éditeur à un groupe d'auteurs/enseignants. Tous les étudiants pourraient le consulter, ils pourraient même contribuer sur certaines pages. Le wiki pourrait supporter des vidéos, des animations, des schémas, etc. Il pourrait facilement être modulaire, contenir des quiz, et des activités d'apprentissage comme des jeux sérieux ou autres. Il aurait aussi l'avantage d'impliquer les enseignants dans un processus très intéressant sur le plan de la professionnalisation, de la formation continue et de la reconnaissance.

Ainsi, les enseignants de mathématiques d'une CS ou d'une école pourraient collaborer selon leurs forces et leurs intérêts et partager des modules, des textes, des exercices, des documents de soutien. L'un pourrait enrichir le matériel de l'autre. On pourrait faire ça dans plusieurs domaines. On pourrait même envisager des ressources multidisciplinaires qui permettraient de concrétiser plusieurs idées récentes qui sont au coeur de plusieurs réformes partout dans le monde. Ce processus permettrait selon moi aux enseignants de démontrer qu'ils sont réellement professionnels, qu'ils sont plus que des techniciens qui suivent les indications écrites dans un manuel. Je sais que c'est un peu dur comme commentaire, mais je l'ai moi-même parfois pensé et je l'ai souvent entendu.

Évidemment, ça suppose de reconnaitre les enseignants comme des professionnels capables. Moi, j'en crois la majorité capable! Ça suppose probablement aussi de leur libérer un peu de temps et de leur fournir les ressources et la formation continue utiles. Ça, ce n’est pas encore gagner...

Vous en pensez quoi des manuels scolaires numériques?

Crédits images: Les images utilisées sont libres de droits et proviennent de la bibliothèque openclipart.org (mots clés: ebook).

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Auteur: pgiroux

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Commentaires (14)

Jules Massé Jules Massé ·  15 février 2012, 12:07:15 PM

Très juste. Nous sommes à un carrefour. De plus en plus de profs/enseignant réfléchissent sur la direction à prendre. Je regarde actuellement du côté de DIDACTI.COM avec intérêt pour le futur. Pour l'instant, je suis en ligne avec des blogues et je collabore en classe avec Google Docs. Simple et gratuit. Mais les manuels offrent des contenus plus riches, en fonction du processus de collaboration et de validation.

jpmartineau jpmartineau ·  15 février 2012, 1:36:42 PM

Un manuel numérique est un livre électronique qui est affiché sur une liseuse.

Un wiki ou un blogue est un site web qui nécessite une connexion à internet pour qu'on puisse y accéder.

Ce sont deux outils complémentaires. Le premier sert à transmettre la matière, le second à communiquer avec les élèves.

Si on veut remplacer les manuels scolaires, on doit le faire avec quelque chose qui est autonome comme un livre. On n'aura pas toujours accès à internet.

La solution la plus élégante pour élaborer et distribuer du contenu sous forme de livre numérique est celle d'Apple. Le logiciel de création de contenu est gratuit. On distribue gratuitement et ouvertement le contenu à ses élèves. Les élèves ont besoin d'une liseuse, un iPad. C'est tout. Rien d'autre que le iPad à acheter.

Pour les outils de communication, il en existe une tonne de gratuits. Et ce n'est pas de ça dont il s'agit ici.

Si vous être contre le fait que les élèves doivent avoir un iPad, que proposez vous? Un ordinateur portable? Une tablette Android?

Si vous remettez en question l'existence même du livre électronique dans le milieu de l'éducation, là je suis inquiet.

Stéphane Allaire (Ytsejamer) Stéphane Allaire (Ytsejamer) ·  15 février 2012, 6:32:43 PM

Vérité de La Palisse: Apprendre, c'est construire des connaissances et cette construction est sociale, ce qui implique des interactions avec autrui, mais aussi de considérer les connaissances qui existent déjà.

Le livre papier n'est qu'un répertoire (partiel) de connaissances. Il ne possède en soi aucune affordance de construction. Toutefois, il donne accès à un certain bassin de connaissances sur lequel appuyer sa démarche de construction. C'est déjà ça...

Si le livre numérique est pour reproduire ce qu'on a avec le papier, alors c'est de la merde et on ne se met pas à jour par rapport à ce qu'on connait actuellement à propos du processus d'apprentissage humain. Le potentiel du livre numérique réside dans le potentiel de conjuguer le caractère statique du livre papier au caractère dynamique qui est inhérent à la construction des connaissances.

L'accès à Internet (ou à un réseau local entre élèves d'une même classe) permet quant à lui d'opérationnaliser le caractère social de l'apprentissage.

On a besoin d'un livre numérique qui permet d'échanger, entre autre par le biais de l'écriture, à propos du contenu qu'il propose. Ce livre doit aussi permettre d'importer du contenu provenant d'ailleurs. On doit pouvoir le discuter en privé (pour donner le droit aux élèves de faire des erreurs en toute sécurité), le travailler (traitement cognitif), le réorganiser de sorte à le rendre statique (au moins temporairement à des fins d'objectivation de l'apprentissage), le publier, et le mettre à jour par rapport à la version initiale proposée par le livre ou par rapport à ce qu'ils ont eux-mêmes élaborés.

Les meilleurs lieux d'échanges autour d'un objet ciblé pour en développer une compréhension (idéalement dans un contexte de résolution de problème, tel que les «learning sciences» nous le disent depuis 20 ans) en groupe restreint (voir les travaux de «group cognition» de Stahl) sont encore les forums électroniques. Le blogue est quant à lui un outil de diffusion d'un produit final / semi-final dont on est fier. C'est une étape qui se compare à celle où le chercheur est prêt à faire lire son article par d'autres personnes que celles avec qui il travaille de façon plus proximale. La fonction de commentaires permet, tel qu'elle le dit, d'obtenir des avis... bien plus que de supporter une réelle élaboration en groupe. Quant au wiki, ce n'est pas non plus un outil supportant particulièrement bien l'élaboration d'une compréhension de groupe (qui implique de la négociation de sens). C'est un endroit de consignation de connaissances, à l'instar d'un dictionnaire, d'une encyclopédie, avec le net avantage évidemment de pouvoir mettre des connaissances à jour très rapidement. Comme le blogue, il est surtout un lieu de réification, de stabilisation (momentanée) des connaissances.

Bref, on veut un livre numérique (qu'on n'osera plus alors appeler un livre!) qui est capable de combiner cela dans un tout un peu plus cohérent que ce que j'ai réussi à expliquer en 20 minutes :-)

Patrick Giroux Patrick Giroux ·  16 février 2012, 8:32:41 AM

Bonjour Stéphane,
Bonjour M. Martineau,

Merci de participer à ma réflexion et, indirectement, à celle de mes étudiants qui utilisent assez souvent mes billets et les commentaires en plus des textes que je propose.

Je crois que mon billet et le commentaire de M. Martineau sont porteurs de deux conceptions de l'apprentissage différentes... Deux conceptions que nous n'avons pas clairement exprimées. Dans le cas de M. Martineau, c'est excusable puisqu'il n'est pas (à ma connaissance) un spécialiste de l'éducation. Dans mon cas, c'est moins facile à excuser. J'aurais dû être plus précis... Ma seule excuse est que mon blogue est un seul et unique long processus de réflexion dans lequel j'ai précisé depuis longtemps où je me situe.

Heureusement, Stéphane a fait un rappel des éléments importants.

Dans son commentaire, M. Martineau, accepte implicitement que le manuel scolaire est nécessaire alors que je milite activement contre cette idée. Ce qui devrait être un soutien au travail de planification/animation/guidage/assistance/etc. d'un enseignant professionnel est trop souvent devenu une béquille ou un substitut universel à toutes les situations auxquelles un enseignant est confronté. Des enseignants s'y limitent trop souvent, laissant de côté leurs compétences. Or, on sait que l'apprentissage est facilité lorsqu'il est contextualisé, adapté au goût et intérêts des apprenants. Il est aussi plus facile d'apprendre lorsque les apprentissages et les compétences développées peuvent servir dans une situation réelle qui touche les apprenants personnellement immédiatement. Dans ce sens, un manuel universel a très peu de chance de pouvoir combler les besoins réels de l'éducation. Actuellement, si nous en donnions la possibilité à nos enseignants, ceux-ci seraient suffisamment compétents pour totalement s'en passer. L'éducation s'en porterait probablement mieux. Ainsi un wiki ou une ressource développé localement par des enseignants d'une même école ou CS me semble mieux adapté.

Stéphane a déjà fait le rappel du caractère social d'Internet et de son importance pour l'apprentissage. Je prenais aussi évidemment cela en compte. À l'ère du constructivisme et du connectivisme, l'importance des interactions, de la confrontation des savoirs, de la mise en relations, etc. n'est plus à démontrer. Tout cela est plutôt à concrétiser et à mettre en pratique dans un plus grand nombre de classes. C'était d'ailleurs au coeur des discussions et conférences lors du Barcamp de Clair 2012. C'était, entre autres au coeur de ma présentation à la table ronde de cet évènement (http://pedagotic.ca/?post/2012...) et au coeur d'au moins 2 autres conférences que vous pourrez écouter en webdiffusion via le wiki de l'évènement: http://clair2012.wikispaces.com/. C'est aussi pour cette raison que je crois que l'on devrait impliquer les enseignants dans la conception d'un substitut plus interactif/dynamique aux manuels scolaires.

L'accès à Internet n'est ensuite plus un critère à considérer. J'ai moi-même vérifié il y a déjà quelques années et 99% des jeunes du secondaire ont accès à Internet à la maison. L'autre 1% se débrouille assez facilement. Au primaire, ça augmente d'un cycle à l'autre pour atteindre presque la réalité du secondaire au troisième cycle. Ce n'est donc plus un problème. Internet occupe une part importante de la vie des adultes et ils reconnaissent rapidement que cet outil peut être utile aux apprenants. On n'a donc pas à se limiter à une ressource héberger localement sur un ordinateur, une tablette, un téléphone intelligent, etc.

Je proposais donc un wiki. Par rapport au wiki, je suis en désaccord avec Stéphane. J'ai peut-être eu plus souvent que lui la chance de vivre des expériences intéressantes en classe avec cet outil. C'est à mes yeux une ressource intéressante pour la co-construction de connaissances/compétences. Ces outils peuvent être configurés facilement pour inclure des pages ouvertes (ex.: pour d'éventuelle discussions ou pour recueillir des suggestions), d'autres fermées (ex.: des consignes ou des textes de base). La majorité des moteurs wiki offrent ensuite, pour chaque page, des forums contiguës que l'on peut utiliser pour négocier/discuter/échanger. Ensuite, on peut souvent y greffer des applications ou des modules JAVA, un peu comme le RECIT national MST l'a fait pour géogebra. Ça me semble une bonne ressource. Évidemment, tout est dans le design pédagogique, dans la manière de l'intégrer. Sur ce point, je sais que moi et Stéphane seront en accord!

Évidement, je suis contre l'idée d'un seul outil, d'un seul wiki. Si une école préférait intégrer une combinaison de blogues et de forums, je serais pour. Si une autre école décidait d'utiliser un portail comme Moodle, je serais pour. En fait, je crois surtout que nous sommes à une intersection importante. On peut choisir de numériser le statu quo ou de passer à la vitesse supérieure...

Je suis pour le changement, pour ce que je crois (via mes nombreuses lectures, expérimentations/observations) être mieux.

En ce qui a trait au iPad... Bof! Ce n'est pas l'outil que je choisirais, mais je reconnais que c'est facile à utiliser, performant, que ça ne bogue presque jamais. Bref, c'est un bon produit. Ce n'est pas, à mes yeux, le point important de cette discussion!

Patrick Giroux Patrick Giroux ·  16 février 2012, 8:57:11 AM

Mario Asselin a écrit un billet sur le sujet. Il est suivi de plusieurs commentaires. Très intéressant! http://blogue.marioasselin.com/2012...

Gilles G. Jobin Gilles G. Jobin ·  16 février 2012, 10:31:47 AM

Je pense qu'on oublie un élément important : la posture pédagogique.

En effet, si on croit que l'enseignant détient une certaine connaissance et que c'est à lui de la transmettre, alors un bon livre de référence (numérique ou pas) devient nécessaire pour ne pas perdre un temps ridicule à prendre des notes pendant que le prof nous déverse «la» connaissance.

Mais si on croit plutôt que l'enseignant doit être dégagé d'enseigner des connaissances, alors là plusieurs ressources doivent être suggérées à l'élève pour qu'il puisse les acquérir, ces connaissances. Je suppose que dans ce contexte, un «bon» prof serait capable de détecter des ressources facilitantes (et pas nécessairement les mêmes) pour chacun de ses élèves. Cette posture pédagogique particulière en fait titiller plus d'un. J'ai écrit un petit billet à cet égard. C'est ici : http://www.gilles-jobin.org/jobiner...

Stéphane mentionne aussi le côté «social» de l'apprentissage. Je suis d'accord avec lui en nuançant cependant que social n'est pas équivalent à «dans une salle de classe». On apprend beaucoup via les réseaux sociaux aujourd'hui, et, physiquement parlant, y'a plein de gens que je ne n'ai jamais rencontrés de ma vie et qui m'ont drôlement aidé à mieux comprendre certains phénomènes.

Dans le billet original, Patrick mentionne des supports genre Ipad ou autres. J'avoue que ces considérations, sans doute importantes, me laissent maintenant froid. J'ai passé plusieurs années sous Windows, puis près d'une dizaine sur Linux, et me voilà sur Mac. Je pourrais discourir longtemps sur les bénéfices des uns et des autres. Mais je pense qu'il faut laisser le choix aux gens. Point.

J'utilise un Ipad depuis plusieurs mois maintenant, mais principalement pour lire. Je pense que je saurais bien utiliser (et faire utiliser) cette technologie si j'étais en salle de classe. Par ex : filmer les séquences d'apprentissage des élèves, garder des traces vidéo ou sonores dans un portfolio, créer des oeuvres littéraires, artistiques, etc. Mais j'avoue que pour développer, je ne me passerais pas de mon ordinateur.

Évidemment, on ne propose que ce qu'on connaît. Si on aime les tablettes, hop, on en veut ! Si on aime Word, hop, on le propose, etc. Or, il est tellement difficile, aujourd'hui, de «tout» savoir, et surtout, de savoir ce qu'on veut savoir... Nous sommes entourés de stimuli qui ne sont pas nécessairement stimulants pour tous !

Quoi qu'il en soit, le livre scolaire format papier va disparaître. Les exemples disponibles sur IBook démontrent bien ce fait, à mon avis.

Stéphane Allaire (Ytsejamer) Stéphane Allaire (Ytsejamer) ·  16 février 2012, 6:12:53 PM

Gilles Jobin sur Mac!!! J'avoue que j'aurais parié 5$ sur mon retour à Windows avant de parier là-dessus ;-)

Plus sérieusement, par rapport à la posture pédagogique, même dans une posture de construction sociale de connaissances, la place de l'enseignant ne peut se limiter qu'à identifier une gamme de ressources facilitantes et les mettre à la disposition des élèves. Sa compétence à expliquer conserve une place de choix et je crois que les travaux de Vygotsky et de Bruner sont saillants à ce propos. L'explication est particulièrement cruciale pour aider l'élève à avancer plus rapidement que ce qu'il est capable de faire seul.

Pour ce qui est des wikis, Patrick, ne trouves-tu pas que tu me donnes un peu raison en affirmant:«La majorité des moteurs wiki offrent ensuite, pour chaque page, des forums contiguës que l'on peut utiliser pour négocier/discuter/échanger.»? Ce n'est pas le wiki en tant que tel qui soutient la négociation, mais bien le forum. Or, en n'apparaissant pas au premier plan, cela induit une utilisation différente que s'il était au centre de l'activité du groupe. Pour moi, le wiki est un peu l'archétype moderne du travail coopératif classique où les étudiants se séparaient les parties d'un travail pour, en bout de ligne, les rassembler. La tâche centrale en est davantage une de production d'un document sur un sujet X qu'une véritable délibération autour d'un objet de connaissance par le truchement d'interactions.

Gilles G. Jobin Gilles G. Jobin ·  16 février 2012, 7:20:37 PM

Stéphane, cela fait maintenant 2 ans que je suis passé sur un MacBook Pro. J'en reparlerai peut-être un jour... :-)

Je ne dis pas que l'enseignant n'explique plus ; je dis simplement qu'il n'enseigne plus les connaissances ! Mais si un élève, pour une raison ou une autre se trouve en «trouble» devant ce qu'il apprend (par ses lectures, des vidéos, des échanges avec les autres, etc.) alors l'enseignant lui «explique». C'est le modèle d'enseignement individualisé tel qu'on le vit à l'éducation des Adultes que je propose.

Par ailleurs, pourquoi vouloir avancer rapidement ??? Quelqu'un a dit :« Pour apprendre vite, étudiez lentement» et je suis de cet avis. La vitesse et l'efficacité dans l'apprentissage, ce n'est pas important, à mon sens. Cela revient à comprendre la culture du bogue (par opposition à la culture de l'erreur) : pour apprendre, il faut des bogues et la possibilité de modifier le projet suite à ces bogues. C'est complètement différent de l'approche : Voici la bonne méthode pour factoriser des trinômes ; ainsi, tu ne feras plus d'erreurs.

Pour ce qui est du wiki, je ne crois pas du tout que c'est du travail partagé «à l'ancienne.» Rien qu'à voir la physionomie des gens à qui je propose l'outil pour un travail collaboratif, on sent la différence. Lorsque je leur dis qu'on peut (et en fait on «doit») modifier le texte écrit par un autre, ils ressentent un profond malaise. Ils ont peur d'offusquer l'auteur original. Ils ne comprennent pas le principe d'une écriture COMMUNE pour ESPÉRER améliorer un produit. C'est beaucoup plus que du «tu fais ta part, je fais la mienne, et on collera tout ça ensemble après.»

Mais, il faut bien l'avouer, les wikis ne pognent pas fort. (Tout comme ton KF d'ailleurs !) Pourquoi ? Parce que l'approche collaborative n'est pas dans notre culture. On préfère l'approche compétitive : Écris un texte, j'en écris un aussi, et on votera pour le meilleur. Ou encore, écris une note, je vais l'évaluer et te dire ce qu'il faut que tu modifies. Construire ensemble, ce n'est vraiment pas dans l'esprit de la masse !

Je crois que l'écriture commune d'un texte pédagogique pourrait nous faire du bien. Commençons avec ceux qui sont déjà dans ce mode de pensée, et attendons patiemment que d'autre suivent. Que voulez-vous ? il faut bien une ou deux locomotives pour tirer des wagons potentiels.

Sébastien Sébastien ·  16 février 2012, 9:10:42 PM

Gilles, ton commentaire sur l'approche compétitive est totalement vrai. La sagesse nous permet d'accorder une valeur différente au temps. La conscience collective, est une notion très peu appliquée dans nos milieux de travail. Quand nous touchons au confort des gens le groupe n'existe plus pour eux. Pourtant, dans les faits il existe encore.

Stéphane Allaire (Ytsejamer) Stéphane Allaire (Ytsejamer) ·  16 février 2012, 9:41:36 PM

Désolé d'être si en retard dans les nouvelles pour ton Mac, Gilles, j'ai passablement débranché mon agrégateur ces dernières années.

Je n'ai pas dit «apprendre rapidement» mais bien «apprendre plus rapidement». La nuance est importante. Un certain rythme / progression régulière / constat personnel d'amélioration sont nécessaires à la persévérance.

Pour ce qui est de la popularité des outils, quels qu'ils soient, ce n'est pas spécifiquement ce qui importe à mon sens. La façon dont ils sont pensés et l'adéquation de cette réflexion avec des principes d'apprentissage reconnus le sont davantage. Malheureusement, en éducation, on est encore essentiellement «pognés» pour faire du «patchage pédagogique»: on doit surtout adapter nos pratiques aux contraintes des outils plutôt que de se donner des outils dont le rationnel s'appuie, à la base, sur des principes. Pas surprenant qu'on passe d'une mode technologique à l'autre en si peu de temps... et que si peu d'enseignants emboitent sérieusement le pas de l'intégration des TIC.

Un problème dans le design des wikis à mon avis, c'est qu'ils ont tendance à vouloir fusionner, à tort, l'espace collectif et l'espace individuel. De ce point de vue, les blogues et le KF me semblent supérieurs.

Gilles G. Jobin Gilles G. Jobin ·  17 février 2012, 6:57:23 AM

Stéphane, ton 3e paragraphe (Pour ce qui est de la popularité...) est un bijou. J'adhère complètement à ton propos !

J'apprécie la nuance apprendre rapidement vs plus rapidement. Car dans cette dernière, on sent le respect de l'individu. Le «plus rapidement» signifiant sans doute «plus rapidement que s'il était seul.» Pourtant, la classe traditionnelle me laisse un arrière-goût contraire : l'élève y est souvent ralenti par le groupe. Pour moi, le socio-apprentissage passe beaucoup plus par mes choix (variés) de ressources que par les personnes qui les créent. Mais si je «bloque» en acquérant certaines connaissances, alors les personnes auxquelles je m'adresse sont plus importantes que ce qu'elles «savent». Je cherche l'humain-pédagogue qui me fera prendre conscience de mon blocage et me donnera DES moyens pour le surpasser.

Pourquoi la fusion espace collectif et individuel est-elle un problème dans la rédaction d'un ouvrage pédagogique ou didactique ?

PS. J'aime bien cette discussion. Dommage que tu ne blogues plus... !

Patrick Giroux Patrick Giroux ·  17 février 2012, 7:46:08 AM

J'endosse le dernier commentaire de Gilles... À la lecture des commentaires que tu laisses parfois ici, même un billet par mois serait une contribution intéressante...

Quand je décide d'utiliser un Wiki ou un forum ou d'imposer des blogues ou peu importe l'outil, je n'ai personnellement jamais l'impression de faire du patchage pédagogique. Ce sont des choix... Je choisi ces outils comme je choisi les textes à lire: pour leur capacité à servir l'une de mes intentions. J'accepte que mon plan de cours va changer à chaque trimestre et même parfois entre deux groupes lors d'un même trimestre. J'accepte l'identité unique de mes groupes, l'importance du contexte, le fait que je change souvent d'avis ou que je découvre de nouvelles idées, que le champs traité dans mon cours évolue vite et qu'il faut s'adapter. Je ne patche pas. Je design en utilisant les outils facilement disponibles dans mon environnement. J'utilise assez régulièrement le wiki , car c'est un outil que je sais facile à manipuler et à adapter. Comme tous les logiciels ouverts, on a aussi développé plein d'extensions qui en facilitent l'adaptation. Malgré tout, je ne l'utilise pas toujours.

Un peu comme Gilles, je pense que l'apprentissage (je n'ajoute même pas le socio puisque que l'on accepte tous son importance) "passe beaucoup plus par mes choix (variés) de ressources que par les personnes qui les créent." Je ne peux pas m'imaginer utiliser toujours un seul outil... Même s'il a été bien élaboré.

Stéphane Allaire (Ytsejamer) Stéphane Allaire (Ytsejamer) ·  18 février 2012, 2:24:16 AM

Merci pour vos bons mots. Cette conversation m'a habité une partie de la journée et m'a rappelé de bons souvenirs, de même que l'exigence en temps qui est requis pour cultiver un blogue.

Je vais essayer de revenir un peu plus tard sur le billet de Gilles puisque son contenu me fait prendre conscience que nous ne faisons pas référence à des objets d'apprentissage tout à fait semblables (bien que complémentaires) (Moi: élaborer des connaissances; Gilles: rédiger un ouvrage) et que, dans sa perspective, la limite que je soulevais à propos de la fusion des espaces collectif et individuel a peut-être moins lieu d'être. Je vais essayer d'articuler le tout sous peu à partir d'un exemple concret…

Pour ce qui est du commentaire de Patrick, je ne crois pas non plus en l'unicité d'un outil et je crois que mon tout premier commentaire (l'avant-dernier paragraphe en particulier) en témoigne.

Quant Patrick mentionne: «Je design en utilisant les outils facilement disponibles dans mon environnement. J'utilise assez régulièrement le wiki , car c'est un outil que je sais facile à manipuler et à adapter.», il fait référence au mouvement d'instrumentalisation du concept de genèse instrumentale de Pierre Rabardel. Ce concept explique la façon dont un individu s'approprie un objet et l'instrumentalisation est une des deux composantes en jeu.

Le second mouvement qui entre en jeu dans cette appropriation, l'instrumentation, réfère aux propriétés mêmes de l'outil et à ce qu'elles vont induire comme utilisation(s) chez l'individu. C'est à ce mouvement que je fais référence quand je parle de «patchage pédagogique». Faisons une analogie avec la boucherie pour approfondir ce à quoi je faisais référence. La prochaine fois que vous en visiterez une, portez attention aux outils que le boucher possède, et surtout à celui qu'il utilise pour effectuer une tâche particulière. Évidemment, il pourrait utiliser sa pince à tournedos pour faire de la viande hachée; elle supporterait cependant moins bien sa pratique que le moulin, qui lui a été spécialement réfléchi et conçu pour faire de la viande hachée. Bien entendu, on peut identifier un tas d'utilisations à la pince, et c'est vrai de tout autre outil (mouvement d'instrumentalisation). Reste à en voir l'efficience…

En éducation, quels sont les outils qui ont été élaborés sur la base de principes d'apprentissage éprouvés?

L'instrumentalisation et l'instrumentation sont deux mouvements complémentaires, dit Rabardel. On transforme l'outil à travers notre pratique… mais les propriétés de l'outil ont aussi le potentiel de transformer cette dernière. On peut dire qu'il y a relation d'affordance qui s'établit entre les deux.

Je crois qu'un certain équilibre a intérêt à s'établir entre les deux mouvements (bien que sur le plan opérationnel, je ne sais pas comment on pourrait identifier un tel équilibre!). Présentement, en éducation, l'instrumentalisation prend nettement le dessus à mon avis. Une des conséquences est que cela a tendance à amener les gens à reproduire les pratiques avec lesquelles ils sont à l'aise (je n'entrerai pas dans le détail des concepts d'assimiliation / d'accommodation de Piaget).

Prenons un exemple que Patrick aime bien: les TBI ;-) Ne disais-tu pas récemment que la plupart des gens allaient l'utiliser comme un bon vieux tableau vert? Une explication à cette situation, du point de vue de la genèse instrumentale et du concept d'affordance, est que les propriétés inhérentes au TBI ne sont pas assez évidentes pour induire le changement de pratique que tu voudrais voir. Dans ce cas, c'est le mouvement d'instrumentalisation qui prend le dessus et, comme les conceptions d'un certain nombre de personnes traduisent encore un modèle de transmission de connaissances, c'est ainsi qu'elles vont assimiler le TBI. Évidemment, avec le temps, cela pourra changer; les gens découvriront les possibilités de l'outil... et l'instrumentaliseront différemment. Toutefois, si le design de l'outil dégageait plus clairement les caractéristiques d'un modèle pédagogique centré sur l'élève, l'outil pourrait à prime abord instrumenter plus aisément la pratique autrement.

Prenons un autre exemple, celui-ci pour illustrer le mouvement d'instrumentation qui, à mon avis, est déficient en éducation. Des enseignants utilisent le blogue pour développer la compétence à écrire des élèves. On sait depuis une bonne trentaine d'années que la démarche d'écriture comporte trois grands processus (planification, mise en texte et révision) et que ces processus sont itératifs (des auteurs ajoutent aussi la diffusion comme quatrième processus). Notamment, on sait que les scripteurs habiles font des aller-retour entre l'ajout de nouveau texte et la modification de celui qui est déjà écrit. Exemple des plus banal: une fois qu'un élève a enregistré un commentaire sur le blogue de quelqu'un, en quoi l'outil l'instrumente-t-il, le supporte-t-il à travers le processus de révision… alors qu'il est impossible pour lui de retourner changer quoi que ce soit à son texte? (D'ailleurs c'est vraiment suant car dans mon premier commentaire, j'ai fait deux erreurs! Heureusement qu'écrire ne signifie plus ne pas faire de faute…). Cet élément (impossibilité de modifier un écrit) (et d'autres qui découlent d'observations depuis quelques années) m'amène à conclure que, pour le moment, le design des blogues actuels fait en sorte qu'il s'agit d'un outil qui instrumente surtout le processus de diffusion. Une personne qui veut supporter les élèves à travers les autres processus a intérêt à s'y prendre autrement.

Hélas, le iTexte de Michel Desbiens ne fonctionne plus sur les récentes versions de OS X. Nous avions là un outil dont le design reflétait les trois processus que j'évoquais. Par exemple, il y avait un espace pour énoncer des idées en vrac, les organiser et réorganiser à volonté (planification), un autre espace pour amorcer une première mise en texte, etc.

Bref, il ne faut pas concevoir l'appropriation d'un objet technologique uniquement selon une relation Individu -> Outil mais plutôt Individu <-> Outil. Et le segment Individu <--- Outil me semble cruellement manquer en éducation présentement. Regardez même l'outillage de votre coiffeuse préférée! Même la gamme de ses ciseaux est mieux adaptée à ce qu'elle fait que bien des outils dont on dispose en éducation!

The bottom line: il est urgent que des pédagogues se mettent à travailler avec des programmeurs pour mieux équilibrer le rapport de force entre l'instrumentalisation et l'instrumentation. Il faut infuser davantage de principes pédagogiques reconnus à travers des outils… qui deviendront alors de véritables outils en soutien à l'apprentissage.

Merci pour cette conversation. Vous m'aurez permis de gagner du temps par anticipation et d'expliciter des idées en prévision d'une communication qui aura lieu en mai prochain (Les TIC en soutien à l'apprentissage? Regard critique sur quelques technologies du Web 2.0).

Stéphane Allaire (Ytsejamer) Stéphane Allaire (Ytsejamer) ·  18 février 2012, 2:31:20 AM

Le texte qui est barré dans mon 3e avant-dernier paragraphe ne devrait pas l'être.
Vive les blogues... et leur support au processus de révision ;-)

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