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Faut-il toujours hacker l'éducation?

(J'ai commencé à écrire ce billet vendredi dernier.)''

Ce matin, j'ouvre mon navigateur et je commence par consulter mon agrégateur. J'en ai définitivement perdu le contrôle. Il y a plus de 600 nouveaux billets à lire. Comme hier et les jours qui ont précédés, je n'ai pas vraiment le temps de lire ni d'écrire sur mon blogue, mais il me semble que j'en ai besoin. Ça va m'aider à remettre mes problèmes quotidiens en perspective, à me "grounder".

J'ai commencé par aller lire le dernier billet de Mario. Récemment, il a probablement eu plus de contacts avec le milieu de l'éducation (enseignants, directeurs, administrateurs) que moi. Il me semble que j'ai passé ma semaine en réunion à l'intérieur des murs de l'université. Je me disais que ça allait faire du bien d'aller lire ce que d'autres ont vu/vécu/pensé cette semaine.

Dans son billet intitulé Quand les blocages d'Internet créent un mur coupe-feu générationnel, Mario revient sur un thème qu'il a déjà souvent traité, mais en y ajoutant une image intéressante. La censure dans les commissions scolaires n'est pas nouvelle. Mario l'a déjà décriée. L'image du "firewall" générationnel est cependant nouvelle et fort intéressante. Je m'imagine facilement (trop facilement pour que ce soit agréable!) des jeunes qui frappent sur un rempart gardé par des adultes en veston/cravate ou en tailleur (selon le sexe!) qui refusent ainsi l'accès par les jeunes à leurs outils d'apprentissage favoris. C'est un peu décourageant comme image. Désespérant! Mario glisse ensuite ou interprète l'image et la situation en prêtant à l'école l'intention de lutter contre une mode passagère, allant jusqu'à proposer que l'école se propose peut-être d’être ce bastion qui s’enorgueillit de résister au progrès sous prétexte qu’elle serait le dernier rempart à l’effritement des traditions...

C'est possible que certains pensent ainsi, mais j'ai des doutes. Ça demande trop de travail. Et comme je l'ai laissé entendre dans un commentaire sur son blogue, j'ai souvent l'impression que, par fatigue/épuisement/découragement ou (moins souvent) lâcheté/incompétence, le système se complait dans sa médiocrité, comme un étudiant qui se satisfait d'un 60% ou d'un "D" alors qu'il a les capacités d'avoir facilement des 90% ou des "A-". Malheureusement, le jeune en question abandonne souvent après avoir vécu tellement de situations frustrantes... C'est un peu ce que le système semble faire, il abandonne pour se protéger.

Après ma visite chez Mario, je suis allé chez Seb Paquet. Il nous proposent la conférence qu'il a donnée à Ignite Montréal et qui s'intitule How to become a culture hacker. La présentation est atypique au sens où il avait 5 minutes et 20 diapositives qui changeaient automatiquement après 20 secondes! Mais ce n'est pas ça qui a retenu mon attention...

J'ai écouté sa présentation et j'en ai conclu qu'il faut hacker l'éducation!

Je ne parle évidemment pas de forcer notre chemin dans les serveurs du MELS... C'est toute la vision de l'éducation, sa conceptualisation et les croyances que le MELS, la classe politique et le public partagent qu'il faut hacker! (En gros, il faut hacker la culture de l'éducation!)

Comme Sebatien l'explique, ces croyances partagées par une majorité (il faut se l'avouer, je crois...) déterminent qui décide et ce qu'il décide. Ces croyances, aussi désorganisées et erronées soient-elles (c'est mon opinion, l'opinion d'un professeur d'université et chercheur qui est relativement au fait du potentiel des outils et stratégies contemporaines, l'opinion de quelqu'un qui a été formé au design pédagogique et qui en a bien compris les mécanismes), sont le système d'exploitation du système éducationnel québécois. Elles déterminent qui fait quoi, comment les choses doivent être faites et comment les différentes parties du système doivent interagir ensemble. C'est un peu comme Linux, Windows ou MAC OSX pour votre ordinateur! Avouez qu'actuellement, le système tourne un peu croche... Décrochage chez les jeunes, abandon de la profession par les jeunes enseignants, changement de bulletins tous les 6 mois, les manières d'évaluer qui changent au gré des volontés politiques... Résultats? Le système d'exploitation actuel ne permet pas à l'éducation de donner son plein potentiel. On a mis en place une réforme sans vraiment donner les moyens aux enseignants les outils (formation, temps, matériel, taille des groupes...) pour la mettre en place efficacement. En plus, la classe politique a constamment changé au Québec depuis 10 ans (combien de ministres de l'éducation depuis 2000?) et a modifié régulièrement les règles du jeu sans trop comprendre la portée réelle de ses gestes (combien de directions différentes données par ses ministres?). En gros, on a un système d'exploitation (croyances et manières de faire) qui date d'il y a 25 ans et qui tente de faire fonctionner un matériel (pas des disques durs et de la mémoire, des enseignants et des écoles!) constitué de parties trop âgées et plus du tout à jour, d'autres parties âgées, mais régulièrement mises à jour par leurs propres moyens et de parties ultramodernes.

Hacker l'éducation équivaudrait à modifier ces croyances et les habitudes qui en découlent. Pourquoi? Simplement parce que le contraire est impossible à admettre!

Qui va hacker l'éducation? Comment vont-ils faire?

Il y a déjà plusieurs personnes qui tentent actuellement de hacker l'éducation. J'en ai rencontré des dizaines à Clair 2010, en janvier dernier. J'en li régulièrement sur Twitter et dans ma blogosphère. Il s'agit d'éducateurs, de parents, de futurs enseignants qui observent quotidiennement l'éducation, s'en imprègnent et la réfléchissent. Quotidiennement, ils en identifient les faiblesses. Et le plus beau, ils créent des solutions à leurs échelles, dans leurs classes ou leurs écoles. Finalement, ces gens se réunissent et communiquent. Ils utilisent Twitter, Ning et des dizaines de blogues au Québec et ailleurs. Ils partagent leurs solutions, discutent des problèmes qu'ils ont identifiés et s'entraident.

Aujourd'hui encore plus qu'il y a quelques semaines, je crois qu'il ne faut pas de débat public sur l'éducation. Il faut la hacker! Il faut poser des gestes, chacun à notre échelle.

En lien:

Trois reportages de Catherine Therrien intitulés "Hacker l'éducation!": Le prof, La classe et La gang.

pgiroux

Auteur: pgiroux

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Commentaires (6)

Christine Renaud Christine Renaud ·  15 mars 2010, 3:37:32 PM

Merci Patrick pour ce commentaire.

Lorsque nous avons créé les podcasts auxquels tu fais référence dans ton billet (Hacker l'éducation, sur Parole citoyenne), notre objectif était non pas de promouvoir le «hacking» de l'éducation, mais bien de le présenter comme un état de fait. Effectivement, nous considérons que nous avons tous le besoin et le désir en tant qu'êtres humains d'apprendre et de nous développer, un peu à la manière de plantes qui poussent là où l'espace le permet. Si le système scolaire ne permet pas à chaque individu de se former selon ses besoins, de plus en plus d'entre nous nous tournons vers un apprentissage auto-dirigé afin de parer aux lacunes de notre éducation institutionnalisée.

Si le système d'éducation échoue véritablement à plusieurs égards, ce n'est ni parce que les profs sont incompétents, ni parce que les élèves sont paresseux, mais parce qu'il s'érige sur une conception erronée de l'être humain et des processus d'apprentissage. Je me permets ici de citer Whitehead, qui résume bien ma pensée:

“With good discipline, it is always possible to pump into the minds of a class a certain quantity of inert knowledge. The rationale behind this action is... the mind is an instrument, you first sharpen it, and then use it

I have no hesitation in denouncing this analogy as one of the most fatal, erroneous, and dangerous conceptions ever introduced into the theory of education.

The mind is never passive: it is a perpetual activity, delicate, receptive, responsive to stimulus.

You cannot postpone its life until you have sharpened it.”
(Whitehead, 1929:17-18)

Parfois, je me fais pessimiste et doute qu'il ne soit jamais possible de transformer le système en entier de l'intérieur. Mais une chose me rassure, et c'est ce dont il est question dans nos podcasts: c'est que l'éducation ne se résume pas à l'«écolation» et nous poursuivons tous notre apprentissage à l'extérieur des murs de l'école. Cet apprentissage est plus que jamais facilité et accessible grâce au partage des ressources auquel nous assistons sur internet.

Christine Renaud
Fondatrice
E-180
www.e-180.com
christine@e-180.com

Gael PLANTIN Gael PLANTIN ·  15 mars 2010, 3:46:35 PM

Ce texte résonne/raisonne tout particulièrement à mes oreilles.

Les bâtiments de mon établissement doivent faire l'objet d'une rénovation complète.
C'est la troisième à laquelle j'assite en vingt ans de carrière : j'estime avoir une petite expérience.

Aussi, alors que le nombre d'apprenants disposant d'un ordinateur portable se multiplie par deux tous les ans, j'ai évoqué la problématique des prises électriques (sans même parler des prises réseau : le principe de précaution nous interdit l'usage du Wifi...).
Quelles solutions adoptées pour éliminer ces grappes de multiprises, toutes branchées sur une seule et même prise originelle ?
Je proposais, a minima, d'installer deux prises par travée de tables...

Que n'ai-je pas eu l'audace de soulever une telle question !

Si, en amont, nous ne parvenons pas à Hacker l'infrastructure de l'école, comment pouvons-nous envisager d'en hacker les pratiques ?

Non, aujourd'hui, je suis dégouté, plus aucune envie de faire des efforts !

Patrick Giroux Patrick Giroux ·  15 mars 2010, 3:53:06 PM

Gael:

Hacker l'éducation ne passe pas toujours exclusivement par les TIC. En changeant tes pratiques pédagogiques et ta façon de te positionner par rapport à l'apprentissage, aux parents, à l'évaluation... Tu hackes l'éducation. En réfléchissant et en questionnant ce que tu vis, tu hackes l'éducation. Ce que tu fais est pernicieux du point de vue du système actuel, car tu le remets en cause. À long terme, ces comportements sont aussi, probablement, la clé de la survie dudit système.

Patrick Giroux Patrick Giroux ·  15 mars 2010, 3:57:55 PM

Mme Renaud:

Nous nous comprenons, bien, pour moi aussi, c'est un état de fait. Je pose la question pour forcer une discussion. Je suis cependant convaincu que c'est déjà en cours et c'est maintenant impossible à changer. Pour moi, hacker l'éducation n'est pas négatif.

Nous sommes aussi d'accord sur ce qui fait que le système d'éducation ne réussit pas. Dans mon billet je constate seulement que les croyances, même dépassées, ont la peau dure et qu'elles ne changent pas facilement... C'est pour cela que j'encourage mes étudiants à hacker l'éducation. Il faut "faire les choses" pour produire un changement.

Sylvain Sylvain ·  15 mars 2010, 7:13:40 PM

Ça rejoint ma conclusion (doublée d'une question à l'époque) de septembre 2007 (Vers l'éducation 2.0)... À l'époque, me suis pris à penser qu'il fallait peut-être commencer à développer HORS du système d'éducation actuel...

Finalement, quelque temps plus tard, j'essayais de re-pencher vers une évolution, modification du système actuel, le faire évoluer, quitte à ajouter un R devant évolution pour déclencher le mouvement d'inertie... mais l'inertie est peut-être trop grande à vaincre, trop forte, trop pesante... Alors on revient au développement hors système...

Je m'interroge encore, mais j'agis en même temps, car si on raisonne tout avant d'agir, on ne fera jamais rien, car pendant qu'on tergiverse et que la ministre déconne, le temps avance, lui.

Seb Seb ·  16 mars 2010, 5:15:55 PM

Merci pour le lien, Patrick!

Le hacking se pratique au mieux dans des espaces de liberté. Le Net en est un; il est maintenant temps de multiplier et de faire connaître les nouveaux lieux physiques de liberté dans le développement et l'expression de nouveaux modes d'apprentissage.

Ça se fera soit en convertissant les quelques écoles et autres institutions d'enseignement qui y sont ouvertes, ou en colonisant de nouveaux endroits - bibliothèques, cafés, parcs, ... Je suis partant pour tout ça. Et vous?

Quelques liens à propos, côté universitaire:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Univer...
http://instdev.concordia.ca/ourprog...

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